Geneviève Rebattet, une sportive hors norme

Geneviève Rebattet, une sportive hors norme

Madame Geneviève Rebattet nous a quitté à l'âge de 104 ans. Inconnue des générations actuelles, cette sociétaire de l’ASBF s’est distinguée par son éclectisme sportif, et sa très grande longévité « sur le terrain » — ou plutôt, « à la table ». Elle a en effet disputé des compétitions de tennis de table jusqu’à près de 90 ans, qui ont continué de nourrir son palmarès.

Née en décembre 1918, Geneviève Rebattet est la fille de l’escrimeur Jean Lacroix, membre de l’équipe de France de sabre aux JO de 1920 à Anvers puis de 1928 à Amsterdam, et présent comme arbitre international aux JO de 1924 à 1948. Il a très tôt encouragé sa fille dans le sport, lui fabriquant lui-même un vélo pour ses cinq ans. Adolescente, Geneviève pratique la natation, et participe notamment à une Traversée de Paris à la nage, épreuve populaire entre les deux guerres, disputée dans la Seine du pont de Tolbiac à la passerelle d’Auteuil.

Entrée à la Banque de France peu avant la deuxième guerre mondiale, elle passe avec succès, en 1946, le premier concours de « rédactrice » (les femmes n’avaient jusque-là pas d’accès aux postes d’encadrement). Elle terminera sa carrière, dans les années 1970, comme « chef de division ».

En 1951, Geneviève, qui a alors 33 ans, s’inscrit à la section tennis de table de l’ASBF. Elle s’y affirme rapidement par son esprit de compétition, sa bonne condition physique, sa vélocité et son adresse. Classée 20 à son meilleur niveau, elle est, avec Anna Van Robays puis Josette Poggi, un pilier d’une équipe féminine qui remporte de nombreux championnats d’Île-de-France « corporatifs » (ancienne dénomination du sport d’entreprise) des années 1960 jusqu’au début des années 1980. L’équipe gagne aussi le critérium national « libre » (non corporatif) en 1969, ce qui lui ouvre les portes du championnat de France de 2e division. Elle y joue jusqu’en 1975, puis en 3e division jusqu’en 1981.

En individuel, Geneviève Rebattet remporte plusieurs titres départementaux et régionaux. Elle est aussi l’animatrice du groupe féminin de la section, siège au sein de la commission corporative d’Île-de-France, et organise pour l’ASBF, des années 1960 jusqu’à la fin des années 1990, un challenge inter-entreprises féminin. Elle est en parallèle très active dans la section ski de l’ASBF, discipline à laquelle elle s’est initiée dans les années suivant la guerre, disputant avec l’ASBF les compétitions féminines du championnat corporatif, les rassemblements d’hiver et les rencontres internationales.

C’est après sa retraite de la Banque de France que Geneviève remporte ses plus grands titres. En 1980 et 1984, à plus de 60 ans, elle est 2e du critérium national corporatif en catégorie vétérans, et gagne en 1983 le double avec Josette Poggi. Elle s’engage alors, à titre individuel, dans les tournois internationaux de vétérans organisés par les fédérations européenne (ETTU) et mondiale (ITTF), et remporte en 1985 le titre des plus de 60 ans aux Masters Games de Toronto.

C’est cependant dans la catégorie des plus de 80 ans qu’elle se distingue le plus, avec un titre européen en 1999 à Göteborg, puis des médailles d’argent en 2001 à Aarhus (Danemark) et 2005 à Bratislava, et plusieurs podiums aux championnats du monde : médaille d’argent en 2000 à Vancouver puis en 2002 à Lucerne, médaille de bronze en 2004 à Yokohama, à 85 ans. En double, avec l’ancienne championne de France Jeanne Delay, elle emporte le titre mondial des plus de 70 ans en 1990 à Baltimore, puis celui des plus de 80 ans à Vancouver en 2000, ne remisant sa raquette qu’après le tournoi européen de Rotterdam en 2007, à près de 89 ans, avec une 4e place en simple et une médaille de bronze en double.

Vive et malicieuse, Geneviève aimait gagner. La Fédération française de tennis de table lui a rendu hommage en rappelant comme elle s’encourageait en parlant à sa raquette : « Allez bidule ! ». Mais elle a aussi continué assidûment de participer, jusque dans les années 2000, aux stages de ski des Anciens de la section ASBF, et selon ses propres dires, elle aimait autant le ski, où elle n’a jamais rien gagné, que le tennis de table. Les sensations, l’amitié qu’elle y trouvait valaient bien des victoires. Elle a ainsi été une grande figure de notre association, et du sport d’entreprise féminin. Nous pouvons dire, en pensant à elle : « Allez championne ! ».